L’écriture pose l’éternel problème de la confrontation de l’imaginaire et du réel, réel de la contemporanéité du monde de l’écrivain. Le roman, comme lieu des liens étroits entre différents temps, ceux du monde et ceux de l’intime, plongés dans les événements de tous les jours qui, tel l’eau qui déborde, construisent l’Histoire qui emporte les hommes et les choses.
Dans un écho lointain du tombeau poétique de la renaissance, Bassani dans son roman ferrarais Le jardin des Finzi‐Contini, fait revivre la période historique de la seconde guerre mondiale.
Si le narrateur, invité par la jeune Micol à franchir le mur du jardin des Finzi-‐Contini, échoue, ce n’est que dix ans plus tard, qu’il le parcourt, en compagnie de la jeune fille, initiatrice symbolique de la connaissance de soi et des autres, lui confiant son amour pour les arbres, nombreux, différents et si beaux, plus tard abattus, devenus bois de chauffage après l’arrestation en 43 de la famille. Communauté juive décimée. Mais la montée des humiliations et des vexations dues aux lois raciales ne fait que sourire ou rire les jeunes gens. Ils se sont réfugiés sur le court de tennis, dans leur amitié et dans la beauté de cet automne finissant. Dans les études à terminer. L’enceinte de ce « vert paradis des amours enfantines », symbole de la protection d’un monde juif, cultivé et raffiné, percevant la venue imminente de sa destruction, mais restant à l’intérieur, sans fuir, devant un vent d’ouragan… (qui) a dispersé de force encore ceux qui voulaient s’attarder, il a fait taire soudain, avec son hurlement sauvage, ceux qui s’attardait encore à parler…Chassés par le vent, tous…
Si l’on perçoit les influences de Dante et de l’Ancien Testament, et dès l’incipit, l’évocation des tombes étrusques puis, après, celle du cimetière juif de Venise, comme des échos récurrents, Bassani érige ce roman tel un lieu de mémoire, pour garder en soi la beauté et l’innocence de ce qui fut, un temps, un jardin d’Eden, pour ne pas sombrer dans l’absence d’espoir.
Ces trois romans parlent de la question de la force de la littérature, à poser des réponses aux violences du monde et de la société.
L’écrivain, lieu de rencontre du réel et de l’imaginaire.
Sans être un photographe.
Sans être un capteur de clichés.
Ghyslaine Schneider