Neuropédagogie : le cerveau au centre de l’école

La neuro-pédagogie

Michel Blay et Christian Laval,éditions Tschann & Cie


Rencontre avec Michel Blay (co-auteur du livre) et Bernard Hubert (psychiatre et psychanalyste), à L’Odeur du Temps (librairie à Marseille)

Ce très court essai sur l’application des découvertes des neurosciences aux méthodes d’apprentissage des élèves se veut être une critique de ces méthodes qui réduisent l’élève à un cerveau apprenant. C’est l’irruption de la neuro-pédagogie dans les méthodes éducatives . 
Stanilas Dehaene, neuro-scientifique, professeur au Collège de France est l’éminence du nouveau ministre de l’Education. Influent, il oriente d’une certaine manière des nouvelles méthodes d’approche de l’apprentissage de la lecture et des mathématiques, fondées sur la connaissance approfondie des systèmes neuronaux du cerveau et des transformations des zones impliquées, visualisées par IRM. 

Nos auteurs, Christian Laval, chercheur en sociologie et Michel Blay, directeur de recherches au CNRS, philosophe et historien des sciences se partagent l’écriture en deux parties de ce texte. Quelques idées peuvent permettre de construire un point de départ de réflexion  avant la lecture d’un  texte intéressant que l’on aurait pu souhaiter plus détaillé et développé, tant le sujet est fondamental.

Cette connaissance scientifique du cerveau permet d’appliquer de nouvelles méthodes éducatives. D’après les tenants de la neuro-pédagogie, le cerveau fonctionne sur des algorithmes qu’il est utile de mettre en évidence et de susciter pour apprendre.Cela permettrait d’effacer les inégalités sociales imputées à la société, et la responsabilité des échecs scolaires reviendrait à l’école qui ne sait pas les résoudre. Les enseignants n’appliquent pas les quatre opérations nécessaires à l’apprentissage (1) que définit Stanislas Dehaene.
D’où les questions:  Les échecs ne viendraient-ils pas d’une absence du désir d’apprendre ? Les conditions humaines et sociales de l’enseigné  ne seraient-elles plus prises en compte ? Le cerveau de l’un serait-il égal au cerveau de l’autre ? Le cerveau ne serait-il pas alors le seul responsable ? Si  le cerveau ne fonctionne pas selon le bon algorithme, quels médicaments pour y remédier ? 
Ainsi, ces nouvelles pratiques d’éducation seraient détachées de l’environnement social, et favoriseraient peut-être certains domaines économiques…

L’OCDE a vivement reconnu l’importance de l’éducation comme un facteur de productivité. Ce regard porté sur le développement du cerveau rencontre l’importance accordé dans notre monde à l’économie. Celle-ci ne peut que progresser davantage en ciblant les besoins des sociétés dont un des résultats doit être l’accroissement du progrès social. 
Apprendre, c’est apprendre à contrôler, en inhibant certaines régions cérébrales. Pour ces scientifiques, apprendre c’est développer toutes les régions du cerveau, puisqu’il est modulable. Ce serait donc celui-ci qui serait responsable des incapacités à apprendre, et des dysfonctionnements de l’apprentissage. 
La neurobiologie prétend défendre une vision neuro-anthropologique de l’homme. Ce serait donc la biologie qui définirait les outils intellectuels et les concepts: la pensée est le fruit de l’activité neuronale. 
Ainsi, ce travail d’éducation à partir du développement du cerveau permettrait de réduire les coûts éducatifs par un gain d’efficacité. L’homme serait-il donc réduit à un cerveau ? Les neurones répondraient-ils à la question: qui sommes-nous ?

C’est ainsi que l’on arrive à un cerveau « computationnel » tel que le définit Michel Blay, à l’image du fonctionnement du computeur ou ordinateur. L’affirmation par les neuro-biologistes qu’il y aurait des algorithmes préexistants dans notre cerveau (même chez les bébés qui ne sont pas encore activés – voir l’existence des babylabs, une dizaine en France), algorithmes que l’on peut programmer ou déprogrammer. Après avoir fait le tour de l’homme machine depuis La Mettrie et Descartes, notre auteur explique que nous serions à l’ère où notre cerveau, de mécanique, aurait subi une transformation, devenant un ensemble de microprocesseurs. 

La réflexion continue sur l’application actuelle des photos biométriques. Celles-ci ne doivent pas porter la marque d’un quelconque signe d’expression de vie dans le regard ou sur le visage. Aucun signe du vivant pour être reconnu par les algorithmes adéquats. Le vivant d’un individu peut se résumer à un séquençage d’ADN. 
Ces éléments de reconnaissance semblent présenter le visage de la mort, dans la mesure où tout signe d’expression vivante est absente.

Résumer un être humain à ces capacités algorithmiques, c’est plonger dans  un monde de surveillance comme cela existe déjà, par exemple, au Xixiang, c’est à dire plonger dans un monde totalitaire. On passerait d’une vision scientifique à une idéologie, par le choix d’un monde technicisé sans aucun recours au politique pour résoudre les problèmes de la société. Dans le cas de l’éducation, c’est le totalitarisme du nombre algorithmique, le dressage par l’ordinateur. 

Ghyslaine Schneider

C

1« Faire attention, s’engager, se mettre à l’épreuve et savoir consolider ses acquis sont les secrets d’un apprentissage réussi. L’enseignant qui parvient à mobiliser ces quatre fonctions chez chacun de ses élèves est certain de maximiser la vitesse et l’efficacité avec laquelle sa classe apprend. » Stanilas Dehaene